lundi 16 décembre 2013

Les Grandes Heures de Radio France et de l'INA



Les douze entretiens qui composent cet ouvrage ont été édités par Ina/Radio France dans la collection sonore « Les Grandes Heures ».



Six d’entre eux – Louis Aragon, Colette, Blaise Cendrars, Jean Giono, Henry Miller, Marguerite Yourcenar – ont fait l’objet d’une publication du vivant des auteurs. Leur travail attentif a été pris en compte pour les transcriptions, tout en restant fidèles au montage radiophonique.

Pour les six autres entretiens restés inédits, seules ont été apportées les corrections de forme que le passage de l’oral à l’écrit imposait.

Ont été recueillis les entretiens suivants avec Georges Simenon :



André Parinaud, diffusés du 28 octobre 1955 au 13 janvier 1956.

Thérèse de Saint-Phalle, diffusés du 5 au 19 mars 1968.

Éric Laurent, diffusés du 3 au 13 mars 1975.



Les Grandes Heures, La Table Ronde, 2013, 195 × 280, 466 p., 45 €.

Les internes racontent... La salle de garde



Jean-Paul Brunet a recueilli les souvenirs de salle de garde de 38 anciens internes des hôpitaux de Paris. Un témoignage, dont les auteurs sont tour à tour philosophes, historiens ou conteurs, qu’il s’agisse de grands noms de la médecine, et aussi de l’Académie française pour deux d’entre eux, et de moins grands noms, bien que pas forcément obscurs ni sans grade.



L’ouvrage est intitulé :

Les internes racontent...

La Salle de garde.

Soixante-dix ans de souvenirs hospitaliers.

Parmi les signatures, Henri Mondor, Christian Cabrol, Yves Pouliquen, Jean Christophe Ruffin... et Jacques Delamare, auteur d’une longue lettre à Georges Simenon à l’occasion de la publication de son roman Les Anneaux de Bicêtre en 1963 et de la réponse Simenon. Les deux lettres sont reproduites in extenso.



Les éditions de l’AIPH, 17, rue du fer-à-Moulin, 75005 Paris. L’ouvrage comporte 352 p. et un cahier photos. 24 |€ + 7,80€ de frais de port (pour la France).

mardi 15 octobre 2013

Simenon et Maigret passent à table

Robert-J.  Courtine (La Reynière), célèbre chroniqueur gastronomique du journal Le Monde, avait publié Le Cahier de recettes de madame Maigret aux éditions Robert Laffont en 1974. Revues par Lorris Murail en 1992 les recettes sont aujourd'hui rééditées dans la collection "la petite vermillon" aux éditions de La Table Ronde sous le titre Simenon et Maigret passent à table.
L'édition est enrichie d'une préface nouvelle de Sébastien Lapaque. On y retrouve également le pastiche "Maigret au Fouquet's" qu'écrivit Courtine en hommage à Simenon.

COURTINE, Paris, La Table Ronde, coll. "la petite vermillon", n° 388, 263 p., 8,70 €

jeudi 27 juin 2013

Lecturebakhtinienne de Simenon



Compte rendu de l’ouvrage d’Alexandre DessinguÉ, Le Polyphonisme du roman. Lecture bakhtinienne de Simenon, Bruxelles, pie Peter Lang, « Documents pour l’Histoires des Francophonies », n° 26, 2012, 247 p., 39,10 €

 

 L’ouvrage d’Alexandre Dessingué présente un double intérêt : d’une part, il propose au lecteur de s’initier à la pensée complexe de Mikhaïl Bakhtine (1895-1975), célèbre (et controversé) théoricien de la littérature, et, d’autre part, il interroge la vie et l’œuvre de Georges Simenon sous différents aspects. En effet, les théories de Bakhtine sont caractérisées par leur caractère global, qui permet à Alexandre Dessingué d’envisager l’œuvre de Georges Simenon à la fois du point de vue de l’auteur, du texte et du lecteur.
Je ne chercherais pas à résumer ici la présentation théorique qui occupe le début de l’ouvrage. Retenons seulement la notion principale de la pensée de Bakhtine, le fameux « dialogisme » entendu comme « un réseau interactif de voix et de consciences plus ou moins indépendantes » : en bref, cette notion s’est traduite, dans le chef de Bakhtine, par une opposition entre Tolstoï, auteur dont la voix unique domine tout le texte, et Dostoïevski, qui s’efface derrière les voix plurielles et contradictoires de ses personnages. Simenon est à ranger à cet égard du côté de Dostoïevski, comme nous le démontre Alexandre Dessingué.
En dehors de l’exercice intellectuel qu’il accomplit avec brio, intéressant en soi, l’ouvrage de Dessingué présente-t-il un intérêt particulier pour les études simenoniennes, se demandera-t-on. Sans aucun doute. Mais il m’a semblé que certaines parties étaient plus novatrices que d’autres. Ainsi, les chapitres biographiques, réservés à la « polyphonie auctoriale », c’est-à-dire aux divisions de la personne de Simenon, brassent un savoir biographique existant, comme l’auteur le souligne lui-même : « l’objectif de cette première partie du travail qui plonge dans l’univers social et psychologique de l’auteur n’était pas tant de révéler des éléments nouveaux de la vie de l’auteur qui est aujourd’hui bien connue, mais de cerner comment se manifeste la polyphonie au niveau du sujet créateur […] » (p. 105-106). Cela ne l’empêche toutefois pas de prendre des positions personnelles, par exemple au sujet de la mère de l’écrivain : « Il faut peut-être considérer l’attitude d’Henriette Brüll comme la conséquence du fait qu’elle aime maladroitement et non pas, comme on le dit souvent de manière peu convaincante, parce qu’elle préfère le frère Christian de trois ans plus jeune. » (p. 68)
La partie centrale, consacrée à la « polyphonie structurelle », c’est-à-dire au texte narratif, m’a paru beaucoup plus neuve. C’est surtout là qu’Alexandre Dessingué s’attache à la question du dialogisme particulier à l’œuvre chez Simenon. Ce dernier ne s’y efface pas tout à fait : « […] le dessein artistique de l’auteur ne réside pas dans l’affirmation d’une vérité détenue par une conscience “archi-textuelle”, mais par la quête de cette même vérité à laquelle la conscience auctoriale prend part. […] si la grande question posée par l’auteur est bien celle du “qui est l’homme ?”, la réponse ne consiste pas chez lui à une affirmation émanant d’une conviction personnelle mais à la représentation d’une multitude de personnages en tant que conscience de leur propre réalité (“le qui suis-je ?”). » (p. 154) Dans cette partie de l’ouvrage, Alexandre Dessingué, qui fait partout preuve d’une bonne connaissance de la littérature secondaire consacrée à son auteur, dialogue volontiers avec ses pairs, notamment avec Jacques Dubois au sujet du « réalisme minimaliste » (p. 136) de Simenon et avec Bernard Alavoine à propos de son « impressionnisme » (p. 145).
Enfin, la troisième partie, consacrée à la polyphonie réceptive, c’est-à-dire à la place du lecteur, est tout à fait originale, le lecteur ayant été peu envisagé, me semble-t-il, dans le cadre des études simenoniennes (si ce n’est, mais d’un point de vue plus sociologique, récemment par Véronique Rorhbach). Alexandre Dessingué montre ici que tous les romans ne confèrent pas le même rôle au lecteur. Selon les différentes formules du roman simenonien, ce dernier est amené à succomber à l’illusion réaliste, à s’identifier, à éprouver de la sympathie ou de l’empathie ou à prendre une distance critique.
Ainsi, Alexandre Dessingué souligne-t-il de manière nouvelle la richesse de l’œuvre de Georges Simenon.
Laurent Demoulin  

mercredi 27 mars 2013

Assemblée générale des Amis de Georges Simenon





Les Amis de Georges Simenon ont le plaisir de vous convier à leur prochaine Assemblée générale qui se tiendra à Bruxelles le dimanche 9 juin à partir de 14 h 30.
Vous voudrez bien réserver dès à présent cette date dans votre agenda et nous renvoyer très rapidement le bulletin de participation en annexe.
Notre réunion se tiendra dans les locaux du

Théâtre-Poème
30 rue d’Écosse, 1060 – Bruxelles 




 BULLETIN   

À RENVOYER À NOTRE SECRÉTARIAT

 


Nom :                                                                                      Prénom :

J'assisterai   Je n'assisterai pas                à l'assemblée générale.

Je souhaite   Je ne souhaite pas participer au dîner / buffet de fin de journée.

Je souhaite   Je ne souhaite pas réserver une table à la bourse d'échanges.

Je serai accompagné(e) de        personne(s).
Attention : si, après avoir réservé, vous étiez contraint de vous désister à la suite d’un imprévu, soyez aimable de nous avertir au 02 269 47 87 ou par courriel (m.schepens@skynet.be) au plus tard le 20 mai.
Les repas qui n’auraient pas été annulés à cette date devront malheureusement vous être facturés. Nous vous remercions de votre compréhension

Signature :

***Veuillez tracer une croix dans les cases souhaitées.


Secrétariat : Michel Schepens, 291 Beigemsesteenweg, 1852 Grimbergen (Beigem) Belgique
m.schepens@skynet.be


 

jeudi 21 mars 2013

Le Polyphonisme du roman. Lecture bakhtinienne de Simenon



Alexandre Dessingué

Le polyphonisme du roman.

Lecture bakhtinienne de Simenon

Bruxelles, 2012, Archives & Musée de la littérature « Documents pour l’Histoire des Francophonies / 

Europe », n° 26, 247 p., 39,10 €.

N.B : Un compte-rendu de cet ouvrage sera publié prochainement.


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jeudi 28 février 2013

Un livre un jour


Pour sa première émission Un livre un jour diffusée sur FR3 le 9 septembre 1991, Olivier Barrot avait choisi de présenter le 16e volume de l’œuvre romanesque de Georges Simenon publiée aux Presses de la Cité. Les archives de l'INA nous permettent de retrouver cette émission :

www.ina.fr/video/CPC91011740

mercredi 20 février 2013

Cahiers de L'Herne "Georges Simenon"




Comment j’ai réalisé un certain numéro 
des Cahiers de l’Herne consacré à Simenon
Laurent Demoulin

Lorsque les éditrices qui président aux fameux Cahiers de l’Herne m’ont contacté, j’ai ressenti une vive émotion. Il s’agissait pour moi d’une référence de premier ordre : ainsi, par exemple, dans ma thèse, ai-je cité plus souvent qu’à son tour le Cahier consacré à Francis Ponge. Il me semblait tout à fait étonnant que Simenon n’ait pas encore eu droit à son Cahier de l’Herne[1]. Et franchement incroyable que me soit donnée la possibilité de combler ce manque. Bien vite, toutefois, je me suis rendu compte de l’ampleur et de la difficulté de la tâche.
C’est que – les lecteurs du Bulletin simenonien ne me contrediront pas – la littérature secondaire consacrée à Simenon ne manque pas. Entre les Cahiers Simenon des Amis, la revue Traces de l’Université de Liège et les ouvrages qui paraissent chaque année, peu de territoires vierges semblent se prêter à l’exploration. Les éditrices me demandaient, avec raison, de concevoir le Cahier de L’Herne Simenon comme une présentation générale de l’homme et de l’œuvre, mais deux catalogues d’exposition consacrés au père de Maigret, qui présentaient ce caractère de généralité, venaient de voir le jour.
J’avais, en outre, envie de satisfaire à la fois le savant et le profane, le nouveau venu et le vieil habitué, l’amateur de romans policiers et de romans durs, le fin lettré, l’érudit et le collectionneur, etc. Au lecteur de me dire si j’y suis parvenu peu ou prou : je me suis tellement plongé dans ce travail qu’il m’est impossible d’avoir le moindre recul sur le résultat obtenu. Je croirai ce que l’on m’en dira.
Je peux seulement évoquer ici les stratégies que j’ai exploitées pour tenter d’atteindre mon but. Lors d’une réunion à bâtons rompus avec Laurence Tacou et Pascale de Langautier, les éditrices, il a été décidé de diviser le Cahier en six parties : l’une d’elle laisserait la parole aux spécialistes de Simenon et une autre, voisine, à des universitaires ne s’étant jamais penché sur son œuvre. Une troisième section serait faite d’une enquête réalisée par mes soins auprès d’écrivains contemporains pour essayer de savoir à quel point Simenon est lu par ses successeurs. Ensuite, il fallait que Simenon soit présent : les éditrices me confièrent la mission de trouver des textes rares et des inédits, ce que faciliterait, bien entendu, mon métier de conservateur du Fonds Simenon. Ces textes pouvaient être complétés par des entretiens. Comme dans de nombreux Cahiers de l’Herne, quelques grands papiers seraient ensuite reproduits. Enfin, l’on songea à éditer quelques lettres issues de la correspondance adressée à Simenon par ses pairs.
Par la suite, quand le sommaire commença à se remplir, Pascale de Langautier me fit remarquer que le Cahier serait plus dynamique si l’on mélangeait ces six sections en fonction de rapprochements thématiques. J’ai suivi ce judicieux conseil et la table des matières actuelle est structurée par les sous-titres suivants : « Une vie plurielle », « Tous les degrés de la littérature », « Variations autour de Maigret », « Contes des Mille et un Matins », « Quelques singularités captivantes », « Correspondance » et « À la croisée d’une œuvre ». Mais, pour commenter encore un peu mon travail, je vais me référer ici aux six parties qui l’ont charpenté quand la construction était en cours.
Un mot sur les articles des spécialistes : d’abord, il faut préciser que je n’ai pu tous les inviter, cette section ne pouvant grever les autres, mais je suis parvenu tout de même à réunir un bon nombre d’entre eux : Bernard Alavoine, Pierre Assouline, Danielle Bajomée, Michel Carly, Benoît Denis, Jacques Dubois, Jean-Louis Dumortier, Laurent Fourcaut, Jean-Marie Klinkenberg, Danièle Latin, Michel Lemoine, Paul Mercier, Dominique Meyer-Bolzinger et Dick Tomasovic. Puisqu’il fallait demeurer général, je leur ai demandé de prendre du recul, de synthétiser leur travaux et non de se concentrer sur un point précis qui prolongerait ceux-ci. En marge de ces chercheurs qui ont tous déjà publié des articles ou des ouvrages sur Simenon, j’ai convié dans ce Cahier Véronique Rohrbach, future grande spécialiste de l’auteur, qui est en train de réaliser une thèse au sujet du courrier de ses lecteurs : un abstract de ce travail en cours se trouve donc dans L’Herne. Le rôle des chercheurs se penchant pour la première fois sur Simenon est joué par Paul Aron, qui étudie les pastiches, et par David Vrydaghs, qui compare Maigret à Jarry.
J’ai eu beaucoup de plaisir à interroger les écrivains contemporains au sujet de Simenon : certains ont décliné, bien sûr, d’autres n’ont pas réagi du tout, mais plusieurs d’entre eux se sont montrés enthousiastes et ont très aimablement répondu à mes questions. Et pourtant, j’ai contacté des auteurs occupant des places très diverses dans le monde des lettres. Qu’on en juge par leur nom : Jean-Baptiste Baronian, Emmanuel Carrère, Philippe Claudel, Jacques De Decker, Philippe Delerm, Bernard Gheur, Christine Montalbetti, Patrick Roegiers, Eugène Savitzkaya et Jean-Philippe Toussaint. J’ai rencontré les uns, interrogé les autres par téléphone ou par mail, tandis que d’autres encore m’ont directement écrit un texte. Il me semble que ces entretiens non seulement disent quelque chose de Simenon, de son œuvre telle qu’elle se patine avec le temps, mais aussi de la littérature d’aujourd’hui.
Je ne vais pas citer ici tous les inédits et tous les textes rares que j’ai rassemblés (avec l’aide de Michel Lemoine, cela va sans dire). Je vais me contenter d’un épingler un : l’étrange prologue de l’adaptation théâtrale de La neige était sale, qui donne de ce grand roman un éclairage tout à fait étonnant. Quant aux entretiens, je soulignerai le contraste de ton entre l’interview serrée menée par Bernard Pivot, qui pousse l’écrivain dans ses derniers retranchements, et la désinvolture bonhomme qui préside à la discussion réunissant Simenon et son ami le professeur Maurice Piron. Ces deux enregistrements datent de la même époque, mais ils montrent deux facettes du même homme.
Enfin, les grands papiers et la correspondance ouvrent deux fenêtres historiques sur des contemporains de Simenon tels que Brasillach, Gide, Mauriac ou Max Jacob.

Quel est mon état d’esprit en me retournant à présent sur le travail accompli ? Alors que, en commençant, je me disais avec inquiétude que tout avait été dit et redit au sujet de Simenon, étrangement, en ajoutant un volume à cette abondante bibliographie critique, j’ai l’impression d’avoir creusé un canal et non d’avoir bouché un trou : tout reste à faire et l’on pourrait déjà en préparer un second, de Cahier de l’Herne Simenon !
Cahier de L’Herne Georges Simenon, n° 102, dirigé par Laurent Demoulin. Paris, Éditions de L’Herne, 2013, 27 × 21 cm, 288 p., 39 €.


[1] Du vivant de Simenon, un projet de Cahier avait d’ailleurs vu le jour : le Fonds Simenon possède une lettre, datée du 19 avril 1969, dans laquelle l’écrivain déclare que ce serait pour lui un grand honneur de faire l’objet d’une telle publication. Mais le projet n’avait pas été mené à terme.

mardi 20 novembre 2012

Quand Maigret chantait... à Bruxelles en 1943.


L'Affaire Dard / Simenon par Alexandre Clément


 Sous ce nom de plume, l’auteur a publié depuis 2007 deux romans policiers, et depuis 1999, dans le domaine universitaire, d’une bonne demi-douzaine d’ouvrages portant sur divers aspects de la vie économique. Dans quel genre faut-il ranger ce nouveau livre qui vient de paraître en septembre dernier, essai ou roman ? Difficile de trancher et le qualifier de docu-fiction ne simplifie rien.
Le sous-titre de cet ouvrage de 159 pages, Règlement de comptes et litté­rature ne rend pas la tâche plus facile : on croit deviner qu’il pourrait s’agir d’un différend financier portant sur des droits d’auteur et de copyright, autour de deux adaptations théâtrales de romans de Simenon, La neige était sale et Liberty Bar, dans les années cinquante. La surprise vient d’une partie de billard à trois bandes, dans laquelle se serait invité un troisième larron, Paul Boulat, alias Frédéric Valmain ou James Carter.

Depuis plus de dix ans, Les Polarophiles tranquilles ont cru soulever un lièvre de taille en prétendant que Frédéric Dard était en fait le nègre de Valmain pour les adaptations théâtrales et les polars parus au Fleuve Noir, mais leur thèse a laissé sceptiques la plupart des connaisseurs de Simenon et de San-Antonio. Alexandre Clément reprend le dossier, en le rebaptisant l’Affaire, dans l’espoir de réussir à jouer les perceurs de coffre-fort, mais hélas, sans apporter de preuves convaincantes. La plupart des documents auxquels il se réfère sont connus des chercheurs qui se sont intéressés à la question, tant du côté des Amis de San-Antonio (Thierry Gautier et Philippe Aurousseau) que du côté des familiers de Pierre Assouline et des Cahiers Simenon (Jean-Baptiste Baronian, Michel Lemoine, Michel Schepens), pour ne citer qu’eux. L’auteur fait mention de Quand Frédéric Dard se frottait à Georges Simenon, que j’ai publié en 2010. Là où se sont heurté les chercheurs jusqu’à présent, (l’accès aux archives détenues par les ayants droit respectifs, la collecte de témoignages précis et les confidences explicites émanant des proches issus du milieu familial ou du milieu de l’édition, ou encore de la mise à disposition aimable de la correspondance, voire des documents comptables), sur tous ces points, l’auteur s’est heurté à une muraille, qu’il n’a pas été en mesure de franchir.
L’essentiel de son propos peut se résumer en quelques phrases : Frédéric Dard, pour écouler son abondante production, se serait servi régulièrement de « faux-nez ». Il aurait, à de nombreuses reprises, gracieusement ou avec une contrepartie financière, transmis ses propres manuscrits (roman ou adaptation théâtrale, scénario de film) à des partenaires pour qu’ils les signent de leur nom, en modifiant ou non le texte. Cette pratique, avérée dans quelques cas (André Berthomieu, Marcel Prêtre, Marcel Grancher) est étendue ici à une kyrielle de noms (Frédéric Valmain, Alain Moury, Marcel Duhamel et nombre d’autres personnalités). Il va de soi que, pour ces nouveaux et heureux bénéficiaires, le conditionnel est employé, faute de preuves formelles pour leurs « emprunts ». Pourtant, au fil de sa démonstration l’auteur ne fait pas mystère de sa conviction intime : Frédéric Dard tire les ficelles de ses marionnettes et trouve les complicités nécessaires dans son entourage. Comment les gens du Fleuve Noir, par exemple, pourraient-ils ne pas être dans la combine ? François Richard (le correcteur), Patrick Siry (le directeur littéraire et le gendre), Armand de Caro (l’éditeur) mentionnés dans des dédicaces similaires signées ou non de Frédéric Dard, pouvaient-ils fermer les yeux sur de tels doublons ? Au lecteur de se faire une opinion dans cette partie de poker menteur.
Dans un jeu de bonneteau, il faut plusieurs partenaires, un illusionniste et son compère, des badauds naïfs et un agent de police pour verbaliser la pratique interdite. En matière de fait littéraire, il n’en va pas toujours exactement de même. Depuis dix ans, certains s’ingénient à imputer à Frédéric Dard ce que j’appellerai « un complexe de nègre », une étrange manie consistant d’une part à cesser d’avoir recours à des pseudonymes et d’autre part à confier ses textes à d’autres auteurs pour qu’ils en endossent la publication. Sur un plan théorique, l’attribution d’un texte à un auteur donné suppose le maniement de distinctions subtiles : l’intertextualité, les emprunts involontaires, la cession consentie, le plagiat, l’hommage indirect, le pastiche, le recours à un autre nègre qui se charge de maquiller l’emprunt, l’absence de citations explicites, le copier-coller, le ghost writer, etc. Sans insister davantage sur la fabrication de séries avec des codes imposés au préalable par l’éditeur, un usage connu chez Harlequin, la gamme pourrait s’étendre du petit bricolage au cambriolage réfléchi aussi minutieusement que le casse d’une banque. L’auteur estime que la production romanesque de Dard, évaluée généralement à 300 livres, pourrait atteindre « entre 400 et 600 » volumes (p. 15). Il nous donne également l’assurance que les mœurs littéraires ont bien changé aujourd’hui depuis les années cinquante, ce point précis reste à vérifier, même si en matière de plagiat, les affaires se règlent parfois maintenant à l’amiable ou par des procès en correctionnelle. On se souvient que même l’attribution des comédies de Molière à Pierre Corneille, à l’aide de logiciels informatiques, avait naguère fait beaucoup jaser la communauté scientifique… C’est dire que l’attribution d’un roman ou d’un simple texte à un auteur est une opération à hauts risques, en l’absence d’aveux circonstanciés et de documents formels. Mais le journalisme d’investigation dispose de règles à géométrie variable pour faire avancer une vérité encore tenue cachée… Collecter des documents épars et en proposer une lecture qui stimule la curiosité, dans l’espoir de faire avancer le débat, part cependant d’une bonne intention…
Mais il se trouve aussi, dans l’argumentation développée, quelques détails gênants pour la lecture de son ouvrage. Les choix typographiques de ses encadrés et de ses listes pourraient être améliorés. Mais d’autres points me paraissent plus discutables, en particulier, pour les connaisseurs de Simenon. Je n’en retiendrai que quelques-uns.
— À la page 18, la mention de Maurice Pertuis et de G. Legros Jacques parmi les pseudonymes de Simenon surprend, depuis les mises au point anciennes et définitives de Claude Menguy et de Pierre Deligny.
— L’insistance à attribuer l’adaptation de Liberty Bar à Frédéric Dard et non à Valmain va à l’encontre de l’avis de la plupart des critiques actuels. D’une part, il n’est pas étrange que Simenon donne sa chance et mette le pied à l’étrier à un jeune. Il l’avait fait avec Frédéric Dard, il le fera bien plus tard avec Bertrand Tavernier, ou avec de jeunes journalistes, malgré la méfiance qu’on lui connaissait pour se protéger des arnaques. Que Frédéric Dard ait sournoisement comploté pour adapter Liberty Bar et savourer une vengeance tardive ne tiendrait-il pas du feuilleton abracabrantesque à épisodes ? Aucune preuve sérieuse n’est apportée, malgré les séries de démentis rencontrés par cette thèse multipliant les « faux-nez ».
— L’auteur tire argument (p. 107) de cette phrase extraite du blog de Pierre Assouline (2 juillet 2008) : « Pour prouver à Dard qu’il [Simenon] lui conservait malgré tout son amitié, il l’autorisa cinq ans plus tard à porter Liberty Bar sur les planches. » Quand j’ai signalé, en 2011, à Pierre Assouline que ce fait était loin d’être établi, il m’a fait savoir par retour du courrier qu’il retirait cette phrase de son blog. J’en ai informé sur le champ l’auteur, qui a pris la décision de ne tenir aucun compte de cette mise au point d’Assouline. Le célèbre biographe de Simenon aurait pu recueillir une confidence du père de San-Antonio et n’aurait pas manqué de confirmer la rumeur, s’il avait disposé de sources fiables sur ce point précis.
— Autre point de détail concernant les noms des adaptateurs du roman mentionnés dans le générique du film de Luis Saslavsky de 1952, La neige était sale : le réalisateur lui-même et André Tabet. Rien ne prouve que Frédéric Dard y ait effectivement travaillé à cette adaptation pour le scénario.
Qu’il se montre tour à tour provoquant et humble, avouant parfois avoir rencontré « beaucoup de difficultés et sans être sûr toujours de nos conclusions » (note 1, p. 15), il a au moins le mérite de stimuler et de renouveler l’intérêt pour de telles recherches, avec des méthodes plus contraignantes certes pour la clarification de faits controversés. Plutôt que de jouer les censeurs, je préfère recommander à l’auteur le nom d’un bon avocat pour défendre sa cause : Pierre Bayard pour Plagiat par anticipation (2009) et aussi Et si les œuvres changeaient d’auteur ? (2010). Ce dernier a montré avec brio combien les emprunts littéraires sont monnaie courante depuis la nuit des temps et comment la signification des œuvres s’enrichit au fil des travaux critiques qu’elles ont à endurer.
Si l’auteur a pris le parti de donner des coups de boutoir dans la fourmilière des secrets de famille et dans le maquis des droits moraux des ayants droit, dans l’espoir d’arracher aux héritiers quelque(s) démenti(s) pour contrer ses suppositions les plus hardies, il n’est pas assuré de parvenir à ses fins. Ce n’est pas demain que les zones d’ombre qui entourent encore les écrits apocryphes du père de San-Antonio, ou les aléas de ses relations avec Simenon et Valmain, livreront tous leurs mystères. Les légendes ont la vie dure : qui finira par dénicher un jour le trésor des Templiers ?
Le dernier livre de l’auteur met à la portée du grand public les questions disputées et déjà familières aux Amis de Simenon et à ceux de San-Antonio. Mais ces « règlements de compte » n’ajouteront probablement pas grand-chose au renom de ces deux grands romanciers, à moins de faire sortir un jour le loup du bois...
Paul Mercier 13 octobre 2012  
Alexandre ClÉment, L’Affaire Dard/Simenon, éditions La Nuit du chasseur, 2012, 160 p., 15 €.